Opal Whiteley / Controverse autour d'un texteDocuments Pierre joseph /Symétrie, Journal L'Humanité / Rubrique Cultures
Best-seller en 1920, le récit de la jeune Américaine a connu une vaste campagne de diffamation. Talent hors pair ou imposture littéraire ? Le journal d’enfance d’Opal Whiteley a fait un étrange voyage. Écrit entre sa sixième et septième année, entre septembre 1904 et août 1905, détruit plus tard par sa soeur Pearl, puis reconstitué en 1919, par Opal, neuf mois durant à rassembler, recoller les morceaux, des phrases écrites en majuscule, sur des bouts de papier, en tout un quart de million de mots. A été publié en 1920 à Boston, retentissement, l’ouvrage - devient un best-seller. Mais il est aussitôt soupçonné de fraude littéraire, une enfant n’aurait pu écrire ce genre de récit. Elle l’aurait écrit à l’âge adulte. Mystification ? D’où proviennent ces prénoms étranges donnés aux animaux ? Comment pouvait-elle connaître tous ces mots français ? Avait-elle des origines royales, est-elle Françoise Marie, fille naturelle du prince Henri d’Orléans ? Une vaste campagne de doute et de diffamation jette le livre aux oublis. En 1986, l’écrivain américain Benjamin Hoff se prend de passion pour ce livre, remonte aux sources : Opal savait lire des mots à trois ans, avait une mémoire exceptionnelle, écrivait sans cesse. Des chercheurs de l’université de l’Oregon s’intéressent à ce mystère, ont acquis quelques certitudes : même si le journal aurait été enrichi lors de sa reconstitution, dès ses premières années, Opal écoutait sa mère dire des contes et des histoires de fées, collectionnait des milliers de spécimens de plantes, de minéraux, d’insectes. De la part de ces proches, elle n’était pas comme les autres et les corrections ne pouvaient corriger ses propensions à vagabonder et découvrir le monde environnant. En 1923, on retrouve les traces d’Opal Whiteley en Angleterre, puis en France ; en 1925, en Inde ; en 1948, dans une banlieue de Londres. Elle meurt dans un hôpital psychiatrique londonien en 1992, âgée de quatre-vingt-quatorze ans. Internée pendant quarante-cinq ans. Ignorée. Dans la Rivière au bord de l’eau, la pouponnière est un lieu central pour son héroïne, elle y vient quotidiennement, y soigne ces animaux malades, recueille les blessés, apporte des vivres. Une oeuvre existe par elle-même. Elle n’a besoin d’aucune information extérieure. Mais ce fait est à souligner : à deux ans, Opal aurait contracté une forte fièvre typhoïde - séparée de sa mère qui disait à tous ces enfants qu’ils n’étaient pas d’elle -, cet épisode aurait alimenté sa conviction de l’adoption et la recherche du père. De la fratrie, elle est la seule à entretenir un roman familial, elle refuse la sienne et s’invente une famille idéalisée, conforme à ses désirs. Pour la première fois traduit en - français, ce récit n’a pas dit son dernier mot, il recèle encore des zones sombres. Les faussaires en littérature ont souvent plusieurs vies. V. G. Article paru le 4 mai 2006 |
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