galerie les Chantiers Boite Noire

Christophe Sarlin

Christophe Sarlin

Stéphane Corréard, http://www.20qmberlin.com/bilder/sarlin/zqm_ChristopheSarlin.pdf

 

Les recherches de Christophe Sarlin explorent le moment exact du passage du modèle à sa représentation formelle ; dans une logique mi-paranoïaque mi-isochrone, cette interface est aussi le point de rencontre d’un en-dedans et d’un en-dehors de l’art, et vise à réinjecter dans le circuit réel des formes dérivées dans l’art à partir de données historiques, politiques ou économiques. De plus, cette interface est réversible.

Ainsi, Christophe Sarlin a créé quatre objets aux allures de maquettes d’architectures modernistes en détournant le système d’anticipation économique Probit, utilisé par le Centre d’Economie et de Finances Internationales (CEFI), lui adjoignant un protocole secret permettant de composer des sculptures à partir de paramètres macroéconomiques. Parfaitement impénétrables, ésotériques, défiant l’interprétation, les volumes de pierre de synthèse immaculée du projet « CEFI » sont cependant des témoignages absolus de notre civilisation.

A l’inverse, le projet « Unclassifiable objects » vise à introduire dans le champ artistique d’antiques « sculptures » indéfinies, dont on n’a pu percer le mystère ni de leur fonction ni de leur signification : les neuf pierres aux formes géométriques découvertes par l’archéologue Ruth Shady Solis sur le site de Caral, la plus ancienne cité précolombienne d’Amérique, disparue depuis plus de 4000 ans. Identifiée en 1905, Caral a d’abord peu retenu l’attention des scientifiques, ne contenant a priori aucune œuvre d’art, ni or ni poteries, et ne livrant aucune référence à des combats, à la guerre. Mais on la considère à présent comme la «

Cité Mère », chaînon manquant de l’histoire des civilisations, première étape vers la société en tant que telle.

Ces formes géométriques relèvent, pour reprendre les termes de Christophe Sarlin, d’une « abstraction totale » : reviendrait alors à l’art de leur proposer « une réactivation théorique, un acte de modélisation inversé ».

Très logiquement les recherches de Christophe Sarlin se cristallisent le plus souvent sur un lieu, le continent américain, et une durée, celle qui court de l’assassinat de JF Kennedy jusqu’au Watergate, cet épisode

de notre histoire où tout ou presque s’est déterminé de ce que nous vivons aujourd’hui, et à laquelle l’art minimal, ce formalisme moderniste qui a récupéré les modèles du Bauhaus pour les transformer en marchandises spécifiques, a fourni l’arrière-plan rétinien, sortant même parfois les paillettes, façon marquees de Vegas, à la John McCraken, récemment reprises en version électrique par Philippe Parreno, on n’arrête pas le progrès.

Chez Christophe Sarlin, cependant, tout, l’esthétique acérée voire tranchante, la précision maniaque, le sens de l’ellipse, de l’énigme, y compris l’ironie mordante, l’humour glacé, l’instinct fictionnel, rappelle plutôt le vrai minimalisme de l’écriture de James Ellroy et de Don DeLillo, qui ont eux aussi cherché à explorer ce « grand nulle part » que tous nous habitons.